Jubilé Sacerdotal Abbé Hygonnet

Ce fut la fête ce dimanche 2 juillet, puisque ce moment marque le trentième anniversaire de l’ordination sacerdotale de l’Abbé Hygonnet, curé de notre paroisse.

La Messe de 10h fut célébrée par le jubilaire, et l’homélie fut prononcée par son confrère l’Abbé Jacques Olivier. Cette homélie est retranscrite ci-dessous. A l’issue de la messe, l’Abbé Hygonnet remercia chaleureusement ses confrères présents, l’Abbé Olivier et l’Abbé Piraux, ce dernier fêtant le premier anniversaire de son ordination sacerdotale.

Au cours de l’apéritif, servi à l’extérieur après la Messe, l’Abbé reçut un petit cadeau des paroissiens, à faire valoir dans un commerce des environs.

Homélie de l’Abbé Jacques Olivier.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Amen.

Monsieur l’Abbé, cher confrère, bien chers amis, trente ans de sacerdoce, trente ans de sacerdoce de M. l’Abbé Hygonnet, pasteur ici dans cette paroisse depuis bien longtemps, un anniversaire qui nous rappelle le temps qui passe inexorablement, un jubilé selon l’expression consacrée, qui nous invite à la fois à chanter, à exulter de joie selon le psaume 64, ou bien peut-être aussi à prendre un peu de repos sabbatique lors de cette année jubilaire, comme y invite le livre du Lévitique.

La question aujourd’hui est « peut-on se réjouir, peut-on se réjouir dans une vie sacerdotale, alors que tant de nuages semblent s’amonceler au-dessus du navire-Eglise, peut-on se reposer comme Saint-Pierre s’inquiétait jadis du repos du Christ dans la barque, alors que tant de proches, tant d’amis, tant de fidèles semblent parfois quitter le chemin du salut? »

Ce temps qui passe inexorablement, manifesté par le souffle symbolique sur les bougies, nous invite peut-être d’abord à nous tourner vers le passé, pour tenter de rendre grâce dignement de toutes ces années que Dieu a données, pour nous préparer aussi méticuleusement que possible à la rencontre, face à face, cette rencontre à laquelle chacun de nous est appelé un jour. Chez les Grecs, Cronos, le dieu primordial, personnifie le temps et la destinée. Il est censé, avec son épouse, Anankè, déesse de la nécessité, entraîner le monde dans sa rotation éternelle.

C’est sans doute aujourd’hui une belle image pour ce temps qui passe, insaisissable, à l’intensité si variable et pourtant si rapide, qu’un regard derrière nous fait apparaître déjà tant de temps écoulé. Alors, Monsieur l’Abbé, puisque je prêche aujourd’hui, que j’ai cet honneur de vous rendre peut-être à la prédication que vous avez faite à ma première messe, eh bien, je ne m’attarderai pas sur ce temps écoulé, sur les souvenirs de votre vie, de votre famille, de vos paroissiens, de vos amis, M. l’Abbé, d’abord à Versailles, puis à Lyon, puis ici, en Belgique, depuis de nombreuses années, en différents lieux, avec des joies, des rencontres, des baptêmes, des communions, des mariages, mais aussi des tristesses, des funérailles, peut-être des abandons, des persécutions ou des injustices.

Tel est ce temps qui coule, comme un fleuve tranquille que rythment les anniversaires, ce temps chronologique, qui ne nous fait oublier le temps des grands choix, comme celui de rentrer un jour dans un séminaire traditionnel, à contre-courant de l’esprit du monde. Ce temps des grandes décisions et des opportunités, celui dont on dit que l’histoire ne repasse pas les plats, le kairos grec, ce jeune homme qui n’a qu’une touffe de cheveux sur le crâne et qui, lorsqu’il passe à notre portée, à notre proximité, suscite une décision immédiate. Faut-il attraper cette touffe de cheveux? Faut-il voir ce qui passe? Ne pas voir, voir et ne rien faire. Ce temps qui crée la profondeur d’instant qui semble parfois ne pas vouloir finir, tant il est vrai que certains instants n’ont pas la même durée, que les secondes ne sont pas toutes les mêmes sur notre monde, selon la manière dont on les vit, entre les grandes joies et les moments plus ordinaires.

Le jour d’un anniversaire de sacerdoce, on ne peut pas penser à ce jour de l’ordination sacerdotale, à Lyon, par le cardinal Decourtray, ce moment qui a changé pour toujours le cours de votre vie, pour tant de grâces, et aussi sans doute pour tant d’épreuves cachées, pour tant de rencontres providentielles, tous ces jours où il a fallu poser des choix de vie importants, ces choix qui font vivre ou mourir parfois, ces choix qui engagent non seulement la vie du corps, mais aussi la vie de l’âme. Et pas seulement la vôtre, M. l’Abbé, mais toutes celles qui vous ont été confiées pendant toutes ces années. Et c’est là sans doute le plus important de cet anniversaire. Selon Saint Augustin, le temps nous échappe, mais le temps est l’œuvre de Dieu. Seul l’homme bon saura transcender le temps subi aux côtés de Dieu après sa mort. Lorsqu’en entrant dans l’éternité, il en sera libéré pour vivre dans un éternel présent.

Tout chrétien, et surtout le prêtre, doit user avec justesse et piété du temps qui lui est accordé pour se porter vers le Christ dans un mouvement d’espoir, d’espérance. Pour un chrétien, le véritable temps n’est que dans le présent. Le présent au passé, c’est la mémoire, le présent à l’avenir, c’est l’attente. Mais le présent au présent, que nous vivons, que nous décidons, que nous choisissons, c’est celui-là qui nous rapproche de l’éternel présent par chaque mouvement bon de notre âme. Et je veux donc aussi parler maintenant du présent de la vie sacerdotale, car il n’est pas difficile, évidemment, de dire que le mot qui vous caractériserait le mieux serait celui de prêtre, tout simplement. De fidélité sacerdotale vécue chaque jour, que je voudrais évoquer dans sa réalité si belle, peut-être que je la trahirai un peu en en parlant, mais en ce jour anniversaire de notre ordination et aussi de celle de l’Abbé Piraux, rappelons-nous la beauté, rappelons devant le monde la beauté de cette vie sacerdotale qui dira peut-être un peu quelque chose encore de ce que vous avez vécu toutes ces années, sans doute bien loin de ce que raconte la presse à sensation.

Je dirai aujourd’hui qu’être prêtre, à l’image du Christ, c’est à la fois servir Dieu, servir l’Église et servir son pays. Servir Dieu est bien sûr la première joie du prêtre. Servir Dieu en participant chaque jour, par le bréviaire, à la louange qui lui éduque, la première obligation du prêtre, dans le silence et le secret, il y a là quelque chose de merveilleux que de s’unir à la prière de l’Église en sanctifiant les heures de la journée, ce temps qui passe, de surcroît, comme on peut le faire parfois aussi, suivant les occasions de notre vie, les lieux, célébrer la liturgie des heures en paroisse ou avec les confrères.

Oui, il est beau d’avoir cette mission en tant que prêtre, d’être comme un veilleur auprès de Dieu dans la prière tous les jours, et même plusieurs fois par jour. Servir Dieu en le faisant connaître et aimer. Ceux qui aident les prêtres dans leur ministère, d’une manière ou d’une autre, goûtent à cette joie qu’il y a de connaître Dieu, de le servir. Et je dois dire ici que, comme prêtre, nous sommes bien sûr privilégiés par cet appel, car la matière de nos études et de notre travail, ce n’est pas les mathématiques, la physique ou toute belle matière, mais bien la théologie qui nous met en contact si fréquent avec Dieu, qui n’a qu’un désir que nous le connaissions de plus en plus pour mieux l’aimer. Oui, voilà une joie comme prêtre de pouvoir si souvent travailler à connaître Dieu pour se mettre au service de sa révélation pour les hommes, la joie du catéchisme, des homélies où l’on partage ce que l’on a reçu, l’Évangile et la foi catholique : servir Dieu comme prêtre.

Il y a ensuite ce bonheur de servir l’Église. On parle souvent de l’Église comme d’une mère, mais pour un prêtre, il y a aux côtés de ce Christ prêtre, tête de l’Église, tous ceux qui ont succédé à Saint-Pierre, son premier vicaire, que nous fêtons, que nous solennisons aujourd’hui, patrons de notre Fraternité, premier pape, il y a tous ceux qui, au fur et à mesure des siècles, ont participé de manière visible à ce gouvernement du peuple pour le conduire vers le ciel, pour exercer une paternité envers les prêtres. On parlait jadis du Saint-Père. Service de l’Église, à travers l’émission que l’évêque nous confie, tout au long d’une vie sacerdotale, service qui n’est pas toujours sans souffrance ni sans injustice, tant est difficile la tâche que venait le troupeau.

D’autant plus si le berger ne s’efforce pas assez de suivre l’exemple du sacrifice du divin Maître sur la croix, montrant l’exemple du bien et du vrai, en passant devant, en offrant sa vie en sacrifice pour ses brebis, plutôt que de tenter de recouvrir aux pauvres manœuvres humaines où la politique finit parfois par le disputer au mensonge ou à la faiblesse. Service de l’Église rendu à ses membres, en particulier en donnant cette grâce des sacrements. Un vieux prêtre m’a dit autrefois que la solitude du prêtre à redouter n’est pas tant celle du célibat que l’on agite tant de fois aujourd’hui dans les journaux, comme un épouvantail. Mais bien plutôt celle du confessionnal, quand il n’y a plus d’âmes qui recourent à la miséricorde de Dieu. Solitude de l’autel quand on fait face à trop de chaises vides. La joie du service des membres de l’Église, la joie de pouvoir être, père, prêtre, c’est bien de pouvoir faire cette charité du don de Dieu, et on ne peut rien donner de plus grand que la paternité que le Christ nous a confiée. Trente années de sacerdoce, voilà qui peut nous faire plonger dans notre mémoire bien des souvenirs de tous ceux qui ont reçu le don de Dieu à travers nos pauvres mains. Que d’âmes, Monsieur l’Abbé, nées à la vie chrétienne par vos mains! Que d’âmes pardonnées, bénies ou ointes pour l’unique, l’ultime rencontre. Peu d’âmes rassasiées par le Pain de Vie. Oui, l’Église est notre famille. C’est une famille nombreuse. Et voilà pourquoi un prêtre est toujours aussi souriant et joyeux de pouvoir vous servir. Comme des parents trouvent leur joie en étant au service de leur famille, même si parfois, comme dans toute petite famille, il peut y avoir des tensions ou des difficultés.

Monsieur l’Abbé, ici, au risque de vous faire sourire, je devrais peut être dire Père, quelques-uns de vos enfants bien-aimés sont ici avec vous aujourd’hui. Ils représentent tous les autres, l’immense foule de ceux que vous avez accompagnés, morts ou vivants, qui vous disent merci et qui ont encore besoin de vous, au moins de votre prière qui intercède auprès de Dieu. Et je terminerai par le service de son pays. Cela peut sembler curieux de parler du pays de la terre séculière, surtout pour vous, Monsieur l’Abbé, qui avez quitté votre pays pour servir dans une autre terre. Mais il faut bien, après avoir évoqué la famille spirituelle, l’Église, évoquer aussi ses racines temporelles qui sont le socle de notre vie et de notre apostolat. Je n’évoquerai bien sûr pas la politique, mais plutôt toutes ces messes quotidiennes que l’on est appelées à célébrer en l’honneur des saints qui ont vécu dans une terre, qui ont fait germer dans cette terre la sainteté. Ici, nous vénérons particulièrement saint Jean l’Évangéliste, celui qui a aimé tant, celui qui le premier, a eu foi dans la résurrection. Saint Etienne, le premier qui a donné le témoignage de son sang. Saint Pierre, patron de notre Fraternité, fêté avec l’autre colonne de l’Église, solennisé aujourd’hui. Tant d’autres le saint de votre baptême Saint Hervé, mais aussi tous les saints de Belgique, tous ces saints locaux d’ici et d’ailleurs, tous ces saints du monde dont les statues garnissent nos églises, dont les fêtes rythme encore au moins un peu ce fichu temps qui passe et qui ne cesse jamais de passer. C’est simple, qui par leur incarnation, nous enracinent dans une terre qui est la nôtre. Une vie de prêtre n’est pas complète si elle ne se confronte pas à la vie quotidienne de ses brebis. Parfois, dans ces conflits où il faut savoir apporter la paix, la paix qui passe par la charité et la parole de vérité, il faut souvent aller vers son prochain. Celui qui est loin de l’Eglise, pour lequel le Seigneur met en nous particulièrement son cœur de Bon Pasteur, pour ne pas oublier la brebis qui n’est pas ou qui n’est plus dans le troupeau. Et là, la joie de pouvoir être instrument pour lui faire découvrir le bonheur d’être chrétien est grande. Je pense à toutes ces missions d’évangélisation, ces baptêmes d’adultes, ces catéchèses, ces retours à la pratique religieuse que vous avez pu connaître. Tout cela qui nous enracine dans notre terre. Alors aujourd’hui, en ce jour où nous rendons grâce pour le passé, où nous jubilant du moment présent, eh bien contemplons brièvement l’avenir, rappelons-nous que nous attendons tous la venue du Christ dans la gloire. Lui, le grand prêtre par excellence, qui reviendra, avec son cœur sacerdotal rempli d’amour et de miséricorde pour juger les vivants et les morts, afin que son règne n’ait pas de fin. Car finalement, le point de mire de cette journée, ce n’est pas un simple prêtre, qui reste un simple instrument, mais c’est bien le Christ, que nous célébrons. C’est lui qui nous conduit à Dieu le Père, pour partager un jour, tous ensemble, la joie du ciel, en le louant, entre autres, pour la beauté du sacerdoce dans son Église avec la Vierge Marie, Mère du Christ-Prêtre. Que cette messe aujourd’hui soit l’expression de notre action de grâces, de l’honneur et de la gloire que nous voulons adresser à Dieu notre Père dans l’unité du Saint Esprit, par Jésus avec Lui et en Lui, le Prêtre par excellence pour les siècles des siècles. Amen. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.